Il me vient à l'esprit ce matin quelques mots du poète québécois St-Denys Garneau qui se lisent comme suit:
Je marche à côté d'une joie,
D'une joie qui n'est pas à moi,
D'une joie à moi que je ne peux pas prendre.
Je marche à côté de moi en joie
J’entends mon pas en joie qui marche à côté de moi
Mais je ne puis changer de place sur le trottoir
Je ne puis pas mettre mes pieds dans ces pas-là
et dire voilà c’est moi
Quand Hélène et Josée me racontent cette aventure qu'elles vivent, j'ai la certitude qu'elles ont réussi la métamorphose, qu'elles sont "
portées par la danse de ces pas en joie", qu'elle ont réussi pour la durée de ce voyage à accorder leurs pas et à calquer leur démarche sur la félicité. Leur bonheur est palpable et j'ose le dire, quand elles me parlent, j'ai parfois l'impression de m'immiscer dans leur intimité et de n'en toucher que la frange par peur d'être taxée d'indiscrétion. Tout ce préambule pour vous dire que je sens qu'elles ne savent plus quels mots employer pour me faire sentir ce qu'elles vivent. Je reste parfois muette au téléphone ne sachant pas moi non plus dans quel sac de mots je dois fouiller pour leur dire que malgré l'éloignement je saisis ce qu'elle veulent me transmettre.
Cette démarche qu'elles ont entreprise, car c'est bien d'une démarche intérieure dont il s'agit et non d'un voyage de plaisir, les fait passer par une gamme d'émotions plus vives les unes que les autres. Quand elles rient c'est à n'en plus pouvoir respirer et quand elles sont touchées, elles pleurent comme des enfants. Le 15 juin, jour des 49 ans de Josée, alors qu'elles avaient pris une pause pour un deuxième petit-déjeuner dans un restaurant à Salmon Arm, Coranne Dolliver, la gérante leur offre le repas. Voilà nos deux amies qui éclatent en sanglots devant cette attention, laissant pantoise la gérante qui ne s'attendait pas à créer un tel émoi. Leurs émotions sont des rivièves en crue difficiles à endiguer.
Les journées débutent à l'aurore. Cela leur donne une marge de manoeuvre pour le cas où…Le 15 juin, elles parcourent 65K sur une route de montagnes qui n'étaient pas visibles dans la brume du matin. Parties de Sorrento, elles coucheront à Sicamous.
|
Bonne fête Josée |
|
Une pause dans une montée à notre 52e km, et une grosse décision à prendre sur le pain aux raisins du lendemain matin ! Des "Beano" s'imposent !!! |
16 juin 2012. Sicamous - Revelstoke.
Téléphone de Josée vers la fin de la journée. Alors que le soleil décline derrière les cabanes en bois rond, nous lisons tranquilles sur le bord de la piscine. Elle commence la conversation:
"Lise, là l'adrénaline est au plafond…Je te mets sur le "speaker". Quand Josée téléphone, c'est toujours les deux amies qui me racontent leur journée avec force détails qui sont des friandises pour la blogueuse que je suis qui adore qu'on lui raconte la chronique du jour. Pour vous dire, j'achète même des livres audio tant j'aime écouter des histoires. Et de me raconter ce jour-là leur randonnée dans la flotte, dans la pluie ou dans l'orage, pédalant encore et encore sous des trombes d'eau, traversant des ruisseaux à la nage - là j'exagère un peu, mais c'est ce qu'il m'a semblé. 72K à pédaler sous la douche… et elles rient!
A l'arrivée, Hélène se précipite sous la douche - celle de la salle de bain cette-fois-ci - et Josée se rendant compte qu'elle a oublié ses sandales sort du motel retrouver Blackie qui portent encore les sacoches sur ses flancs. Elle revient avec les chaussures mais se rend bien vite compte qu'elle est à nouveau prisonnière de la bruine puisque la porte s'est verrouillée quand elle est sortie. Elle aura beau frapper pour qu'on lui ouvre, ce n'est qu'une fois la douche terminée qu'Hélène l'entendra enfin. Heureusement ce ne sera pas trop long. Alors qu'elle s'échinait sur la porte de la chambre, arrive Mrs Asha Singh, co-propriétaire du
Canyon Motor Inn, tenant un plateau contenant deux bonnes soupes chaudes et deux gros sandwichs au jambon. Une gracieuseté de la maison qui avait aussi offert une réduction de 10$ sur le prix de la chambre. Et Josée de me dire que cette-fois, elle portait ses cuissards miraculeusement secs malgré le déluge de cette journée.
|
Les gants le prouvent... je crois bien qu'il pleuvait |
17 juin 2012 - Revelstoke - Canyon Hot Springs
35K de difficultés appréhendées. Le moment de vérité, l'étape la plus difficile depuis le départ. Josée en parle d'abondance. Aujourd'hui, elles feront face à
LA montagne qu'elles craignent entre toutes. En direction de l'est à partir de Revelstoke, il y a Glacier Park et dans ce parc le "
Roger's Pass": 70K de montées souvent abruptes, 1327m de dénivellé et c'est la peur de l'échec qui hante leurs pensées.Je sais ce que vous pensez. Comme moi, vous vous dites qu'elles réussiront certainement et que tout se passera comme cela s'est passé depuis le début. Car comment pourrait-elles échouer nos idoles ?
Avant de partir ce matin, un coup de téléphone à leurs amoureux. Pour le courage. Et les voilà qui enfourchent Blackie dans la grisaille d'un temps pluvieux - cela vous surprend-il - pour une première étape de 35K vers Canyon Hot Springs où elles se reposeront à l'abri des ours dans une cabine louée pour la circonstance.
Cet arrêt nous donne confiance, nous permet de demeurer à l'intérieur de nos limites, et de surcroît nous accorde une petite vacance dans un lieu sécuritaire…Nous en sommes fières de ce 17 juin 2012, jour de la fête des Pères, de France et de Roger, où il nous aura été donné de vaincre notre peur. Rogers Pass, here we come !!!
|
Un petit air de vacances |
Nouvelle de dernière heure.
Au moment où j'allais publier ce message sur le blogue, aujourd'hui, 18 juin vers 15 hres, je recevais une photo de Josée prise au sommet de Roger's Pass.
"They did it... encore une fois bravo !"
Le récit de cette journée suivra dans le prochain "post".